Longuement disparue et méconnaissable...

"V'là pas qu'on r'vient t'juste d'deux ch'tites s'maines en mer qu'd'jà ils r'prennent l't'verne pour un bordel..."

Le vieux capitaine venait de penser à voix un peu trop élevée. Il était accoudé au bar, satisfait de ses prises et de la bonne bière que Mimille brassait. Ou pas, qui sait. Elle était bonne, c'était le seul point important.

Il se retourna alors qu'il terminait de ruminer ses derniers mots, fruit d'une pensée un peu trop irlandaise. Ce qu'il vit le laissa interloqué pendant quelques bonnes secondes, avant qu'il ne put reprendre ses esprits et entamer la conversation.

-"Par les Seins Barbus de... j'veux dire... par les Couilles Barbues de Saint-Patrick, que v'là une fantôme aux belles formes!"

Il lui donna une affectueuse mais un brin trop violente tape sur l'épaule et poursuivit, sans se démonter.

-"Pour sûr qu'on peut t'offrir un verre, ma gueuse. Et aussi un bon lit... l'mien! J'disais just'ment à Mimille qu'le manque de r'nouv'lement mammaire d'l'endroit c'mençait à s'faire sentir sur l'moral. T'arrives à sein... point tombé. "

Se retournant vaguement vers les autres.

-"Pute borgne, les gars, la Debbie! R'prenez-vous et un meilleur accueil, c't'à croire qu'y'a pas qu'elle de morte ici."

À voix plus basse - quoique, une lueur dans le regard.

-"Mais dis-moi... t'étais où­?"

'Skooo..?

La jeune femme releva la tête doucement en direction de son interlocuteur et vieil ami,relâchant un sourire plus éclatant que tout ceux qu'elle ait fait de toute la dernière année.

Plutôt toi! Vieil ivrogne! répondit-elle,moqueuse et toujours aussi souriante.

Au départ,j'avais confiée la barre à mon second que pour quelques heures...Un vieil ami se trouvait à bord et nous avions tant de temps à rattraper...

Lorsque je ressortit de la cabine nous étions échoués dans un état lamentable sur une plage qui m'était à ce jour inconnue.Je ne sais combien de semaines j'ai pu passer dans cette cabine,mais même la saison de l'année avait changée.

Debbie fit une brève pause,rêveuse.

Quoi qu'il en soit,je n'avais plus rien.Mes pirates étaient partis en chaloupes avec tout ce que nous avions en guise de salaire.Faut avouer,des soirs je criais tellement fort qu'ils me croyaient peut-être morte!

La séductrice ricana un peu,passant une main douce mais sale dans ses cheveux en broussailles.

Mais je devrai refuser tes retrouvailles intimes vieil ami,tu vois ce que les dernières m'ont apportées?

Décochant un clin d'oeil séducteur et invitant.

Et puis toi,toujours Piastreux?

J'ai dû rater de palpitants épisodes avec toute cette galère...

Joach ricanait dans son coin en ecoutant le Sko et Debbie qui ressemblaient à un vieux couple.

"Hé vieux cochon, t'as passé l'age ! Place aux jeun... S'apercevant qu'il ne l'était plus guere, il rectifia... aux copains ! M'a l'air plutôt bien roulée la donzelle et ça fait un moment qu'j 'ai pas vu aut' chose que vos tronches de vieux mâles, alors t'es mignon, tu t'pousses et tu laisses faire le spécialist' !

Confiant, sûr de sa capacité de séduction, il dégaina son plus beau sourire au risque de découvrir une dentition un peu abimée par le temps et les bagarres, il s'adressa à Debbie

Bienv'nue ma p'tite Dame, j'offre un verre... Mais un verre de quoi? Bien rempli ou... Just' un doigt ?

La façon dont Joach avait abordé cette donzelle avait amusé Bocanegra qui ne pu s'empêcher de lancer à haute voix.

"hahaha joach !!!! Enfant de catin, c'est pas comme ça qu'on s'y prend.

Tournée générale pour l'inconnue!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!et à vot'santé mademoiselle!!!

Quand à toi joach!!!!!!!"

Il s'approcha d'un joach dont le visage se décomposait

"Si t'proposes un doigt à cette demoiselle, faudrait commencer par t'les néttoyer!!!!!!!"

Il versa sa fin de choppe d'eau de vie sur une des nombreuses plaies que Joach avait aux mains. Un cri monta dans la taverne, le pauvre joach courrait en direction de l'urrinoir se tenant la main tandis que Bocanegra s'esclaffait devant l'inconnue.

"hahaha sacré Joach!!!!!

Capt'ain Bocanegra ,nouveau piastreux et payeur de tournées!!!!

A qui ai je l'honneur mademoiselle?"

- PARDIEU DEBBIE !

L'exclamation fit se retourner tout ceux qui dans la taverne, était en état de le faire.

- J'l'avais laissé en Enfer moi, p'tain d'Dieu !

S'approchant du comptoir un sourire charmeur aux lèvres, il s'y fit de la place en tirant brusquement un des marins qui s'y était écrouler plus tôt dans la soirée, et le reposant délicatement sur le sol, s'assit sur le tabouret désormais vide, attendant que la Debbie continue son récit...

Remettant en place sa chemise - ainsi que sa pistole, l'autre pistole même - dans son pantalon, le Révérend parut à la ballustrade de l'étage. Observant la scène tout en finissant de se rhabiller, il crut bien comprendre que tout ses ladres de confrères avaient décidé de tenter de la gironde Debbie. Lui, qui venait d'accomplir à l'instant même le devoir sacré que Dieu avait confié aux Hommes, celui de croître et de multiplier, sut qu'il était, plutôt que tout ces gars là, l'Homme de la situation.

Mais chaque chose vient en son heure, aussi pour le moment, il se contenta de lancer au-dessus des marasmes des autres Piastreux, l'injonction suivante:

- Hé bien ma fille, n'aie pas peur de ces larrons et continue donc ton récit! Faut qu'je juge si ta confession puisse t'être d'une quelconque utilité pour ton salut.