Accoudé à son bastingage une bouteille de rhum à la main

Regardant avec attention le remue-ménage à l'entrée, l'Albinos ne put retenir sa surprise.

Par tous les sang ! On est en journée porte ouverte ou quoi ?! Qui c'est celui-là encore ?

Mazett' c'est qu'j'abonde avec le corbeau.

réponds Esther,

A peine qu'on ouv' la porte qu'les coup d'vents s'gatent d'une belle part d'présence !
fait' bon'yeu, qu'ceux la aient d'la cojones a revendre.
Maint'nant qu'tes ici allez fais toi plaisir. Pose ton cul sur un siège et débite ton historiette, profit z'en qu'les piastreux jouent la carte hospitalière, ton vent pourrais tourner putasse d'étranger.

Termine la petite en détaillant le nouvel arrivant d'un oeil aiguisé.

Ne portant pas attention à ces paroles ,comme si transporté dans un autre monde, Bocanegra pris la première place qui venait à lui...toujours dos à un mur.

"Taulier ,apporte moi à boire....heuu du rhum!!!"

Il regardait autour de lui, son entrée avait crée un sentiment d'étonnement ,entre surprise et hilarité.

Et si tu crachais de la monnaie avant de voir le verre ? Et nous disais ce que tu fais ici par la même occasion...

"à boire pour tout le monde , nous rentrons d'une campagne assez faste donc les piastres c'est pas ce qui manque.....vous voulez réelement savoir mon histoire? Avez vous du temps?"

Le capitaine désséra son col, posa son tricorne sur la table en attendant les retardataires.

On a toujours tout son temps quand on est ici. Racontes nous donc tout ça...

Joach regardait la scene d'un oeil amusé bien content de ne plus être le nouveau venu qu'on devisage

"Hé l'ami !!! Tu nous la racontes cette histoire, t'auras à boire apres...si elle est bonne.Dans le cas contraire, tu risques de regretter de te pointer là, la gueule enfarinée à te faire désirer ! Ta tronche me dit quelque chose,j ' sais pas si c'est bon signe !
Dis-nous tout ! Qu'est ce que tu viens faire dans ce bouge ??"

Joach s'assit à sa table en attendant que le nouveau se déclare

ça alors ! Je deviens prophétique ! Un marchand vient à nous maintenant ! rire marqué

Alors ? oeil rapace et regard intéressé, le Crow observe le nouveau venu de pieds en cape.
Tu comptes te déposséder du cacao ? L'endroit est bien choisi... mais j'ose espérer que ce n'est pas le seul motif de ta venue. Exprimes toi et sois clair, certains parmi nous ont besoin d'une expression cristalline pour que mots parviennent à leur esprit embrumé par les vapeurs de l'alcool ; d'autres aiment qu'on ne tournent pas autour du pot quand on s'invite chez eux.

Esther écoute sagement le récit de l'étranger.
L'homme est volubile, sombre dans ses propos.
Elle lui réponds d'un ton cassant :

"Soit gaillard, c'est d'belles z'istoires qu'tu nous contes la.
Tu ramène ta gueule d'ibérique dans notre taverne et sans't'présenter, tu nous envoie tes foutaises.
Met tes couilles sur la table espingouin de mes deux et dis nous qui tu es et ce que tu viens faire ici avant que je te les coupes et que je te cousent au menton."

Gueularde, du fond de la salle s'élève une fois.

Bien parlé satané Crow! J'savais bien que tu serais utile un jour! Putain d'nom de Dieu, les gars! Le prochain type qui passe c'te porte, et qu'je connais pas sa trogne, j'lui loge une balle d'le genou.

Il désigne par quelques cercles vagues, la sus-dite porte, du canon du pistolet auquel il se cramponne comme il peut, tout en cherchant dans le vide, les courbes avenantes d'une bouteille. L'ayant saisi, il se redresse et en boit une grande lampée, imbibant par la même occasion sa barbe et son cuir, puis s'essuyant avec sa manche, il s'éclaffe aux propos d'Esther.

Sacré p'tite, on voit bien d'qui tu tiens! Quand à toi!

Il fixe le nouvel arrivant d'un oeil morne.

Crache le morceau avant d'cracher tes tripes.

"ohhhh!!!!! Restons calmes, vous vouliez mon histoire vous l'avez eu. Maintenant vous voulez mes intentions, vous les aurez. Tavernier!!!!!! À boire pour tout le monde!!!!!"

Bocanegra, commença alors à dévoiler les intentions qui avaient poussé sa curiosité à ouvrir la porte de la taverne des piastreux.

"Ecoutez, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Mes hommes et moi n'avons maintenant qu’à foutre de l'infante d'Espagne...sauf de la déflorer pour certains de nous. Nous n'avons ni attaches, ni rien d'autre derrière nous, on se fou complètement du jour de notre mort ou de ce que sera fait notre lendemain!!!!
Ce que nous voulons, la liberté, la gloire, nous venger du genre humain!!!! Mais avant tout je veux qu'on se souvienne de nous!!!!!!! que nos noms fassent trembler le royaume d'Espagne et sa catin d’infante, de Cadix à Pampelune....et je pense qu'en poussant cette porte tout à l’heure, je suis au meilleur endroit pour démarrer cette nouvelle once de vie, faite
de poudre, de rhum, de piastres et de pucelles déflorées."

Après une bonne lampée, il fixa Treymane Crow.

"Et pour mon cacao Treymane, j'espère que tu l'aimes salé, il est quelque part entre San Juan et Saint-Martin."

Les dés allaient être lancés, et la partie pouvait reprendre. Enfin !

Bram, comme soucieux d'énerver au mieux ses deux adversaires qui trépignaient d'impatience, agitait son gobelet avec la plus grande concentration, lentement, posément...comme pour attendre la chance !
Et puis, lorsque le nouvel arrivant pénétra dans la taverne, ses yeux quittèrent le jeu pour venir le fixer, intrigué...
Il reposa le gobelet, interrompant à nouveau la partie...
La chance, elle venait d'arriver !

Car, avouons-le : ce n'était pas QUE l'intérêt pour les nouvelles gueules qui motivait Bram à stopper ainsi cette partie de dés. C'était aussi, voir surtout, que les deux autres joueurs avaient fait tous deux des lancers très heureux, et que Bram n'était pas si pressé de perdre les nombreuses piastres qu'il avait parié en enjeu.
Chaque nouvel arrivant lui donnait du sursis... Et le bougre savait que les deux-là, à force de boire en l'attendant, serait bientôt hors d'état eux-même de poursuivre...

Aussi, ami lecteur, tu comprendras donc sans mal que Bram VOULAIT faire durer la scène. Il prit donc la parole, appuyant la demande du nouveau venu :
- Diable ! du rhum pour tous Mimille ! c'est ce drôle-là qui rince ! Et c'comment ton nom, fieffé gueulard ?

Bocanegra se tourna donc vers l'homme qui venait d'harranguer le tavernier. Il l'observait et remarqua que quelques gouttes de sueur tombaient du front de celui ci......Il compris

"Tavernier!!!!!!!! une double tournée pour la table du fond!!!!!"

Puis il fixa l'homme et lança dans un brouhaha général:

"C'est Bocanegra que j'm'appelle!!!"

Le capitaine esquissa un léger sourire et murmura ces mots:

"Souviens toi de ce nom, comme si la divine providence avait voulu faire tourner la chance en ta faveur."

Juste derrière le nouveau venu, une ombre apparait. Violente et terrible, plus assoiffé que le diable lui même. Sa main se pose sur l'épaule de Bocanegra et il dit :

"Foutre les amis ! Il arrose !"
Le plancher tangue, la main lâche, l'homme s'écroule ... Mais se relève.
"Mimille ! J'veux mon *burp* Rhum ! C'est l'ot qui paie j't'dit !"
Une fois affalé sur le bar, Arland se retourna vers l'espingoin.
"Moi j'dit : Foutu fieffé d'étranger ! T'as des coutumes qu' j'apprécie ! Pute Borgne ..."

Portant la choppe de Rhum à ses lèvres, le délicieux et enivrant liquide se déversa dans gorge et vètements.

Amusé par cet homme qui avait plus de rhum en lui que de sang, Bocanegra l'observa regagner tant bien que mal le comptoir de la taverne. Il se leva:

"A ta santé l'amigo!!!! et à vot' santé à tous ici!!!!

Sacrebleu, il est bon ce foutu rhum!!!! d'ou vous le sortez? Un souvenir des petites antilles ou une sacrée cuvée d'ici?"

Sur ce il descenda sa chope de rhum aussi vite qu'un homme sautant de la planche avec un boulet de 32 livres accroché à la guibole.

"Blurp!!!!!"

- A ta santé, gueula Bram en heurtant à la chope de Bocanegra la bouteille que Mimille lui avait passé, espérant qu'il la fasse ensuite circuler.
Grave erreur d'ailleurs...
Le pirate avait toujours été large, partageant de tous temps et sans hésitation le peu qu'il avait pu parfois possédé. Mais avec le rhum, eh bien ! c'n'était pas pareil !
D'une, il aimait boire à même la bouteille. De deux, ce n'était pas qu'il ne voulait pas fondamentalement la partager, c'est simplement qu'il savait la conserver suffisamment longtemps pour ne pas qu'on vienne ensuite la lui réclamer.
Bref, Mimille le comprit, et sortit d'autres bouteilles. Après tout, c'était l'nouveau qui rinçait, hein ?

Bram, une fois que tous ses camarades eurent à boire en main, leva haut sa bouteille :
- Trinquons mes bâtards ! Trinquons à celui qui, bien que roi, n'a jamais su prendre seul une décision ! Oui... trinquons en l'honneur de ce que Dieu a fait de plus stupide, à ce nobliaux à couronne mais sans cervelle... à cet enfant de salaud... mes amis : trinquons à Philippe III d'Espagne !

Ses yeux, brillant de malice et de provocation, s'étaient braqués sur Bocanegra.

"Trinquons bande de soiffards !!!! Je leve mon verre à tous les révoltés de cette terre !
Hissons haut la couleur noire de la rebellion ! Pas de pitié pour les serviteurs de l'ordre en place ! Mort aux rois et à ses serviteurs !!!

Fixant droit dans les yeux le nouvel arrivant...

"J' te reconnais toi ! Mon s'cond m'a parlé de ton aventure quand la fievre me rongeait !
T'es le bienvenu chez moi !
Allez piastreux ! Hauts les verres !

Se mettant à chanter d'une voix fausse.....
"Le monde est une vraie porcherie, les hommes se comportent comme des porcs !
Unité ! Levez les doigts !!!
Les piastreux emmerdent les nationalistes !"

Joach dansait frénétiquement, bousculant quiconque croisait son pas.Il saisit Bram par le col et l'entraina dans la danse.

Dans la salle, plusieurs hommes, sérieusement éméchés pour la plupart, avaient commencé à suivre le mouvement que Joach avait lancé, formant de folles farandoles, se bousculant les uns, les autres tous en gueulant "Les Piastreux emmerdent les Nationalistes!". La taverne, si calme, et si sombre, il y a quelques temps de cela, reprenait vie et pour sûr que pour certains bâtards couronnés, ça n'était pas la meilleure des nouvelles. L'agitation se calma un peu, le temps que les chopes se vident, jusqu'une seconde tournée soit servie et que d'un coin de la salle un poing levé s'élève accompagné du chant bien gueulard, entonné bientôt par tout les gaillards de la salle le connaissant.

Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux tue!
Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux pille!
Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux tue!
Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux liiibre!

S'en suit une grande danse frénétique dans la foule, qui s'arrête brutalement au tempo donné pour que tous puissent crier: "We! Are pirates!" Pause. "We! Are pirates!" Et ce n'est qu'essouflés, que les hommes, poings levés, reprennent la rengaine:

Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux tue!
Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux pille!
Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux tue!
Pias! Treux! Pias! Treux! Piastreux liiiibre!

Plusieurs fois, la chanson est reprise. Plusieurs fois, les hommes tombent et sont relevés. Plusieurs fois, les bouteilles sont vidés. Et, lorsque saouls et fatigués par la danse, les hommes se prennent par les épaules et tanguent: Nous soooommes les Piaaaahaaastreuxheuuuux. Nous soooommes les Piaaaahaaastreuxheuuuux. Nous soooommes les Piaaaahaaastreuxheuuuux. And! We! Are pirates!

La nuit allait encore être longue, célébrant les nouveaux venus au repaire, les recettes du Mimile, les chants et la liberté.

Pris d'une joie certaine, Bocanegra se leva ,chope à la main ,et avanca en direction de la farandole. Les quelques mètres furent-ils des kilomètres tant il avait ingurgité du rhum. Tant bien que mal il s'immissa dans la farandole, prenant quelques coups involontaires.

"c'est de bonne guère!!!!!!!!

Tu sais quoi hawkins, les habsbourg et leur enfant de catin Phillippe III, je leur pisse tout l'rhum que j'viens d'boire d'ssus!!!!!!

Et même peut-être plus que tu ne pisses sur l'Jacques Ier de chez toi!!!!!Hawkins c'est bien Anglais ça non? Gallois peut-être?"

La farandole avait emporté toute la taverne, le rhum coulait à flôt, les catins commençaient à descendre la ballustrade, Bocanegra tanguait tant bien que mal confondant babord et tribord, dans une liesse totale