Sur la route, non loin de l'entrée de la taverne.

Il semblait bien que toute la taverne s'étaitt spontanément rangée derrière la Krowley, plus par désir de dérouiller de l'homme en noir que pour tous autres nobles motifs. Obéir à des exigences n'était foutrement pas la coutume de ces hommes, et la Néréide voyait que l'affaire était devenue plus que personnelle pour eux. Sûr qu'il serait bien dur de les retenir dans leur élan sanguinaire : pareille entrée était un affront pour eux. Un défi. Un impardonnable bras d'honneur.
Cette engeance était fière, et dans sa tanière, elle n'aurait déposé les armes contre personne, fusse t-elle en face d'un bataillon complet.

- Pouvoir rougir un peu d'ces saloperies d'larbins d'la CNC, et à domicile, c't'une sacrée veine ! entendit-on fuser de l'arrière de la taverne.
C'était Bram.
- Eh bien, Plume ? Un discours d'adieu, peut-être ? Plume ? Allons quoi...
Il ne fit pas de transition. Le ton sarcastique laissa directement place à un cri rauque, scandant un appel bien connu :
- UN HOMME ? UNE BALLE !...

Ca y est. C'était lancé.
Le signal...
On entendit la réponse reprise dans un hurlement par de nombreuses gorges piastreuses :
- LA MORT S'RA GENERALE !

Et les dernières syllabes furent étouffées par les premières détonations.

Mais il est des soirs où le Diable est capricieux, et la mort fut loin d'être générale.
Alors que tous les cinq auraient du être fauché net par le plomb, les cinq parvinrent à se ruer derrière le comptoir, esquivant de belle manière les décharges, et anticipant de bien peu les griffes de la Faucheuse... Quand la chance s'allie à l'habileté, on ne peut plus faire grands choses pour fusiller autrui avec insouciance...

Quoi ? Impossible dis-tu, qu'ils aient pu trouver un abri derrière le comptoir là où Mimille, tromblon en main, veillait ? Bien, foutu démon du réalisme, laisse moi te préciser la configuration de la pièce : le comptoir forme un angle, en forme de L. Les hommes en noir sautèrent, non pas du côté où se tenait Mimille, mais du côté où... NE PRENDS PAS CET AIR PERPLEXE TUDIEU !
*Le narrateur, impatienté, entreprend de dessiner un plan. Face à la trop grande difficulté de la tâche, il froisse son plan, et décide de changer un peu le déroulement des choses.*

Que disais-je ? Oh oui... deux des hommes en noir eurent la présence d'esprit de sauter à l'extérieur de la taverne par la porte encore ouverte. Les trois qui choisirent de s'abriter derrière le comptoir furent implacablement balayés par les tirs - à quoi ça tient une vie hein ?

Le désapointement était grand dans les rangs pirates. C'était irréel. Incroyable que deux aient pu s'enfuir. Et le rhum ne pouvait pas tout justifier...
Désignant d'un signe de tête l'endroit où Plume s'était abrité d'un bond, Bram prit la chose avec philosophie :
- Ben, comme ça, on pourra entendre sa réponse...

Toutefois, amis de la narration et adeptes du réalisme, vous aurez noté un épineux problème.

En effet, si le cri "La mort s'ra générale" fut scandé par tous les piastreux, il en est cependant un qui n'hurla point la sombre sentence. Celui ci avait un visage déconfit et rempli d’incompréhension. Car ce ne sont pas trois, mais bien DEUX hommes en noir qui se retrouvent face contre terre, sang ruisselant et gueules ouvertes.
Le troisième est du genre à être au mauvais endroit au mauvais moment. N’avons nous pas dit plutôt qu’il était foutrement con ?

Or, amis du réalisme, vous noterez que le Maudit était AU MILIEU de ces enfoirés encapuchonnés.
Votre esprit de déduction aigue vient ici de deviner l’identité de la troisième passoire …

Arland Vanertal. Mort ou avec encore un souffle de vie ? Sur qu’il partage à
présent une chose de plus avec Bram : Le plomb dans l’poumon !

S'apercevant de ce navrant détail, le désapointement était à son comble dans les rangs piastreux. Pour sûr, y aurait un épithaphe tout trouver pour la tombe, par exemple :
Un homme ? une balle !...
La mort pour Vanertal ?
Déjà, Bram s'était précipité vers l'Arland pour constater les blessures, couvert par de nombreux pirates, à l'affût du moindre mouvement en provenance de l'entrée.
- P'tain d'Dieu, ces bâtards l'ont pas loupé !
"Ces bâtards" n'avaient cependant pas tiré, mais cette thèse serait la version officielle, histoire de conserver un peu d'honneur.
- Que deux hommes partent chercher l'médecin par l'arrière pardieu ! Quand au reste, en avant ! Faut pas que les survivants s'échappent : ces teignes reviendraient en nombre !

Déjà, plusieurs pirates se précipitaient vers la porte...

Effectivement... tout c'était passé très vite... quels pauvres bougres...
Un calme tout relatif était revenu dans la taverne enfumée par les détonations nombreuses.
La salle s'était vidée de deux tiers de ses occupants, partis en chasse des deux hommes en noir qui avaient pris la tangente. De la salle, on ne pouvait pas savoir que sur ces deux-là, l'un n'était plus, l'autre se sera probablement fondu dans la nuit...

Certains pyrates s'activaient à recharger leurs armes et d'autres s'approchaient prudemment du comptoir.
Calme relatif disais-je car bien que les coup de feu avaient cessé, le grognements des pyrates et autres bruits de chaises qu'ils déplaçaient d'un coup de pied pour se frayer un chemin, ainsi que les gémissements et soubresauts venus de derrière le bout du comptoir se mêlaient à l'atmosphère lugubre de la pièce.

Ann-Kathleen, qui s'était de nouveau reculée vers l'escalier avait évité l'axe mortel des billes de plomb. Elle s'avança vers le comptoir, du côté court du "L", là où ceux des hommes en noir avaient préféré sauté, causant-là leur perte inéluctable. Un rapide coup d'œil lui confirma que deux d'entre eux avaient trépassé. Le dernier, les deux fesses par terre dans une petite flaque de sang, adossé au bois du comptoir de multiples blessures au torse dont la couleur rouge sombre venait faire briller le tissu noir de son habit.

La jeune femme se tenait-là, debout près de Plume et de la Faucheuse. - celle-ci n'étant aucun des surnoms des trois hommes à terre- Comme d'un seul geste, les deux bras de la Néréide se levèrent, ses mains armées de ses pistoles au chien baissé, l'une pointant le peu de l'assemblée pyrate, l'autre le Capitaine Mc'Skorley.

Le regard couleur de feu, celui-là même qui transparait sa rage et son dégout, quand ceux-ci sont à la limite de l'irruption, se tourna vers Mc'Skorley, ayant préalablement balayé de ce même regard l'assemblée.

- J'en suis sincèrement peinée, mon Cher Alasdair, sincèrement...

*BANG ! ! !*

Une bille de plomb se loge dans le parquet, juste devant les pyrates, qui avaient repris leur avancée. Elle tourne la tête et baisse un bras.

- Messieurs, damoiselle, je puis vous jurer qu'à la prochaine, une tache rouge supplémentaire viendra colorer le veston de ce bon vieux Mc'Skorley.

Tous peuvent lire dans ses yeux qu'elle n'hésiterait pas mettre en pratique la théorie de sa phrase.

- Je vois bien que ce n'est pas la meilleure façon de vous remercier messieurs, et j'aimerai vous prendre encore un peu de votre attention.

Elle toisait l'assemblée sereinement. La folie n'y était pour rien. L'orgueil oui.

- Certes la Compagnie Noire fut assez bien décrite par vos mots, bien que j'en certainement utilisé de plus gracieux, mais dans l'esprit, on y est à peu près... Croyez-moi quand je dis que de l'intérieur, on comprends mieux. Et on découvre aussi.
"La Compagnie, c'est toute ta vie".

Le ton est en même temps ironique mais nombreux sont ceux qui savent la part de vérité dans cette phrase.

- Comme nous l'avons entendu, ils étaient là pour moi. Je veux juste être sûre d'une chose,

Ses yeux se posèrent machinalement sur Plume. Il la regardait lui-aussi. Gravement blessé, son corps faisait de légers soubresauts incontrôlable.
Il articula avec une voix presque inaudible, mais certains l'auront sûrement déchiffré.

- Morte ou viv...

Il avait accompagné sa phrase en levant péniblement son bras, usant de des dernières ressources pour pointé son arme vers la Néréide.

*BANG ! ! !*

Finalement, cette dernière bille de plomb pris le dessus sur Plume, homme qui avait donné sa vie à la Compagnie Noire, un homme de loyauté sans faille envers la Compagnie et rien que la Compagnie, Un homme qui avait servi longtemps sous les ordres de Bras-droit et de cela certains savaient son rôle dans l'Organisation.
Ann-Kathleen poussa un soupir et délogea d'un coup de pied la pistole de la main retombé à terre, inanimée.
Elle leva les yeux vers Mc'Skorley puis vers l'assemblée et elle murmura,
- De cela je voulais m'assurer...

Et repris sa voix haute,
- Pardon de tout ceci...
...Taquiner la mort mon Cher Alasdair... -murmura-t-elle de nouveau, mais à l'attention du vieux pyrate-

Sa silhouette se redressa telle que l'on pourrait la comparer à un mouvement félin et toisa de nouveau l'assemblée,

- Néanmoins, je fais parti de ces chiens ou tout comme vous vous plaisez à nous voir...

Joach s'est approché d'Esther et constate les dégats sur le corps du Maudit. C'était pas joli à voir !

Se penchant, il murmure à l'oreille d'Esther

Foutre ! Si son cas s'arrange pas très vite, faut absolument qu' Dragan revienne ! Lui seul s'ra efficace pour le bouche à bouche !

Tardivement ou non, l'avenir nous le dira, celle qui était appelée la Néréide, surnom qui relie la jeune femme indiscutablement à la Compagnie Noire, compris au travers de divers regards que quelque chose se tramait derrière elle.

Elle le reconnue là-aussi. Devant elle celui que les Compagnons appelle Fontaine, debout, le pistolet braqué sur Ann-Kathleen. Surprise de le voir-là. Plus surprise à vrai dire que pour les autres car celui-ci n'était pas plus âgé qu'elle. Ce détail elle se le rappelait de cette après-midi où ce jeune homme l'avait aidé à déballer quelques caisses personnelles.

- So what ?! Vas-tu finir par me tirer dessus ou bien attendre que je te ramène chez ta mère ?

Ils étaient tous deux immobiles, l'une désarmée et l'un tenant la première en joue. Seuls au milieu de pyrates...

Les secondes qui s'écoulaient inlassablement paraissaient s'étendre à l'infini. Ils se regardaient sans ciller mais au bout d'un moment, Fontaine fini par abaisser son arme. Ann-Kathleen fut surprise mais n'y laissa rien paraître, préférant profiter de l'occasion pour tenter de retourner la situation à son avantage.
Non loin d'eux, le gros des pyrates entouraient un gisant, alors que d'autres étaient déjà retourné à leur table. Un calme étrange pour une atmosphère qui ne l'est pas moins. Une grande partie de la salle est sans dessus-dessous un nuage opaque mélangeant fumée et poussière flottait à travers la pièce malgré que les départs d'incendies avaient été rapidement maîtrisés. Le jour qui tombait n'arrangeait pas les choses alors que déjà dans certains coins de la taverne des bougies, chandeliers ou autres petites lanternes étaient allumées.

- Fontaine... C'est bien comme cela que l'on te nomme, Fontaine ?
Je suis désarmée et tu baisses ton canon... Que comptes-tu faire maintenant ?
Que vas-tu leur dire une fois rentrer là-bas ?

Le jeune homme regarda son arme et la Néréide avança une main lentement vers lui et ce qu'espérait Ann-Kathleen arriva à cet instant précis, Fontaine lui tendit la pistole qu'elle n'eut qu'à cueillir délicatement.

- Me voilà désormais désarmé Madame, qu'allez-vous fai...
- Good !

BONG ! ! !

La Néréide venait d'assommer d'un violent coup de crosse le jeune homme qui s'effondra sur le sol, ne manquant pas de renverser une chaise au passage. Elle s'agenouilla pour lui prendre son poul et se releva en esquissant une petite grimace.
Maintenant que l'attention de l'assemblée lui était involontairement revenue, elle ramassa sa cape qu'elle secoua de deux coups sec et s'avança dans la salle.
- Tout ceci est fâcheux...

Elle reconnue Vanertal gisant dans son sang et les corps habillés en noir inanimés à ses côtés. Dans ce qui lui semblait être un effort ultime, le Maudit, comme il se faisait appeler par les siens, la fixait d'un regard noir, comme si la Mort elle-même la regardait à travers ses yeux.

- oui... très fâcheux...

Elle toisa la salle rapidement en rangeant le pistolet dans son dos. Son regard s'hasarda même aux poutres et à la charpente de l'édifice. Certains l'auront vu un léger signe de tête alors qu'elle regardait en l'air mais ne virent rien à l'endroit où elle portait son regard.
Elle s'avançait maintenant en jetant de nouveau un coup d'œil dans la salle, comme si elle cherchait de nouveau quelque chose ou quelqu'un.

King Jack, au signe de tête de la Néréide avait sauté d'une poutre à la balustrade, en est descendu le long d'un des piliers pour venir retrouver l'épaule de sa maîtresse.

Bram avait hésité à poursuivre les hommes en noir restants, mais il avait préféré rester aux côtés d'Arland, le temps que "le médecin" arrive. Ce dernier n'était pas à proprement parler un médecin, mais il avait été second sur le navire du Piastreux Eliott Raam, que l'on surnommait alors le Toubib.
Eliot Raam n'était pas non plus à proprement parler un médecin, mais il possèdait des outils étranges qui lui avait durant toute sa carrière permis de faire illusion. Et quand Eliot était passé par dessus bord dans de mystérieuses circonstances, c'était son second qui en avait hérité.
Ce second s'appellait Feliche, et c'était un individu sinistre, qui aurait vendu père et mère pour quelques piastres (s'il n'avait pas été orphelin), tout à fait le genre de batârd qui aurait pu lancer sans vergogne son capitaine aux flots pour hériter d'une simple trousse médicale.

On aurait pu penser que dès son arrivée, il se précipiterait sur Arland, mais il prit son temps de détailler la foule des présents, avec cet air ennuyé et arrogant qu'il affectait maintenant qu'il était un respectable médecin, afin sans doute de bien signaler à tous que la lie des Caraibes n'était plus sa famille. Ses yeux fouineurs passèrent puis s'arrêtèrent sur Ann-Kathleen. Un très léger rictus contorsiona aussitôt ses traits, léger rictus où la surprise n'étais pas absente.
Il se reprit en un instant, et se dirigea vers Arland. Mais alors qu'il déballait ses instruments, un très léger sourire de jubilation apparu de nouveau sur ses lèvres. Mais il se reprit là-encore, et se mit au travail.

La Néréide ramassa une bouteille par-terre et en regarda l'étiquette. Elle en fit sauter le bouchon et l'amena sous son nez, puis à ses lèvres.

- Vous me voyer navrée de ce qu'il vient de se passer. Mon erreur a été de mettre icitte les pieds.

La jeune femme regarda la salle une nouvelle fois et les pyrates mais ne trouva pas le regard de Mc Skorley.

- Je ne vous importunerai pas d'avange Messieurs. Vous passerez mes au revoir à ce bon vieux Alasdair.

Sans rien ajouter, elle se mit en marche en direction de la sortie après avoir poser la bouteille sur une table.