Camille Guerezenn Crêpière du cimetière...
Nombre de messages : 48 Navire : La Talante, Ketch. La Follieuse, Fregate de course; La Crepe Suzette, Lougre. Boisson : la meme chose que Blacktouffe! Date d'inscription : 17/04/2007
| Sujet: Du rhum pour les morts ! Mer 18 Avr - 10:47 | |
| Il était encore tôt, mais la Taverne de la Piastre Lisse était déjà plongée dans une pénombre qui semblait ne jamais la quitter. Émile, le cabaretier, venait d’ouvrir, mais il n’y avait pas foule, ce soir-là. Alors, pour passer le temps, il s’occupait, comme tout cabaretier qui se respecte, à essuyer un verre avec un torchon humide, noirâtre et nauséabond. Depuis un bon quart d’heure. Des fois que le bruit se mette à courir qu’on trouvait des verres propres chez Mimile.
Quand un violent courant d’air éteignit les chandelles de suif au-dessus du comptoir, c’est sans même se fatiguer à lever les yeux qu’il tonitrua :
«La porte, foutrepute ! Qu’est-ce que ce sera ?»
Pour toute réponse, un silence glacial. La porte était toujours fermée, et la taverne absolument vide.
«- Allons bon… Ce suif de Puerto Cabello, c’est une belle merde! J’aurais mieux fait d’investir dans des lampes à huile de baleine, ça au moins ça rigole pas… où j’ai laissé mon verre, moi? Ah, le v’là… fait pas chaud, j’vais me servir une petite lichette de quequ’chose, moi, tiens…
«- Et ce coup de gnôle, patron, ça vient, ou faut le temps que tu me le pisses ?»
*fracas de verre brisé*
Accoudé au bar, un long manteau de cuir brun rongé par le sel et la moisissure, jeté comme au hasard sur une silhouette indistincte. Remis de sa suprise, Mimile haussa les épaules, un sourire en coin. «Bah, se dit-il, ça fait jamais que le deux-cent-quarante-septième que je vois passer en quinze ans de carrière. Ca veut être mystérieux pour se donner un genre, comme les autres. Pis ça repartira en appelant sa mère, comme les autres.»
Il se retourna vers le nouveau venu, un long couteau de cuisine à la main, ponctuant chacun de ses mots de moulinets nonchalants:
«C’t’à moi que tu parles? tu vas m’faire le plaisir de causer meilleur, moussaillon, si tu veux pas que je t’apprenne les bonnes manières ! Et pour commencer, chez moi, on se découvre ! »
Joignant le geste à la parole, de la pointe de son couteau, il fit sauter le chapeau à larges bords, découvrant le visage de l’inconnu. De longues mèches de cheveux roux emmêlés et collés par la boue, des os qui semblaient sur le point de transpercer une peau crayeuse, un sourire démoniaque découvrant une panoplie de dents cassées. Son menton était maculé du sang qui coulait de sa bouche, et l’avant de sa chemise n’était qu’un large trou noir de sang séché où grouillaient des vers et insectes. La peau de ses mains, à demi putréfiée et recouverte d’une croûte de boue, partait en lambeaux.
« Je… euh… pardon, Mademoiselle… »
Mimile, pétrifié, vit avec horreur la pirate attraper par la lame le couteau qu’il tenait, et serrer, en le fixant de ses orbites vides, jusqu’à ce que la lame ressorte de l’autre côté de sa main qui, avouons-le, n’avait déjà pas l’air bien en forme. Il poussa un cri et lâcha le manche du couteau. Il était de nouveau seul à son comptoir.
Il regarda d’un air soupçonneux la bouteille qu’il avait posée sur le comptoir. Étrange, c’était la première fois qu’il avait ce genre d’hallucinations macabres… Il ramassa son torchon et, machinalement, essuya le sang qui coulait de la paume de sa main droite.
Les premiers clients de la journée commençaient à entrer. | |
|